ROBIN des LOIS luttera sans relâche contre la dérive à l’américaine et la privatisation de la prison… Nous ne voulons pas des 5 000 places… qui vont, d’ailleurs, sans doute être abandonnées. Nous voulons le développement des peines alternatives et celui des prisons ouvertes ou semi-ouvertes.
Pour en savoir plus, voici un « état des lieux » des récents programmes de construction.
___________________________________________________________
Repères
1988 : Le programme 13 000 initialement fixé à 15 000 places pour pallier aux insuffisances est revu à la baisse en raison de son coût budgétaire. Mis en œuvre avec le concours de gestionnaires privés, il permet la construction de 25 établissements entre 1990 et 1992 mais est insuffisant pour ajuster le parc pénitentiaire aux besoins.
1996 : Le programme 4 000 vise à construire d’ici 2000 sept maisons d’arrêt, centres de détention et centres pénitentiaires (3 800 places additionnelles) et une maison centrale (200 places). La construction de quatre nouvelles maisons d’arrêt y est ajouté. Au final près de 10 ans auront été nécessaires pour réaliser le programme : difficultés à finaliser les dossiers de consultation des entreprises, épineux choix des terrains…
9 septembre 2002 : la loi d’orientation et de programmation pour la justice (LOPJ) prévoit le lancement du « programme 13 200 » pour créer 13 200 nouvelles places de détention dans vingt-cinq établissements (15 pénitentiaires, 7 pour mineurs et 3 de courtes peines), d’ici 2012.
2009 : Nicolas SARKOZY annonce la création de 5 000 nouvelles places avant 2017. MAM répète qu’elle fera construire 12 000 places pour en fermer autant de vétustes.
2010 : Neuf établissements ont été livrés. Le budget global se monte à 1,4 milliard d’euros de fonds publics. Un nouvel établissement devrait ouvrir tous les trois mois jusqu’en 2011. Au total, 13 200 nouvelles places. A la fin de ce programme, 62 500 places de prison contre 54 300 places actuellement, dans lesquelles s’entassent 61 800 détenus.
Le partenariat public-privé (PPP)
Le 15 octobre 2008 était inauguré à SAINT-DENIS de LA RÉUNION le premier établissement du programme 13 200.
Le 7 décembre 2008, les premiers détenus arrivent à la prison de MONT-DE-MARSAN, 2nd établissement livré et sont évacués en urgence le 28 décembre 2008 suite à une panne électrique généralisée.
A cette occasion, les surveillants dénoncent les « importantes malfaçons » du site : infiltrations d’eau, pannes quotidiennes des serrures électriques, câbles non enterrésÔǪ
Le 19 janvier 2009 c’est au tour du centre pénitentiaire de ROANNE d’ouvrir. Les dysfonctionnements y sont très nombreux : les serrures électriques extérieures ne fonctionnent pas, les murs se fendillent avec les infiltrations d’eau, le temps de séchage du béton n’ayant pas été respecté…
en savoir plus
:
Murs fendillés, serrures gelées : les dessous d’une prison modèle, Libération 19 janvier 2009
La cause ? Comme pour les programmes de 13 000 et 4 000, le choix a été fait de contrat de « partenariats public-privé » (PPP), une délégation des opérations de construction à des prestataires privés, ce qui permet à l’ Etat de lancer des opérations immobilières importantes sans qu’elles apparaissent dans l’endettement public à la différence des opérations de marchés publics classiques.
Ces PPP permettent au B.T.P. de construire mais aussi de gérer les établissements construits (restauration, hôtellerie, cantine, formation professionnelle, etc.) et offrent une latitude immense à l’entreprise chargée de l’édification pour réduire au maximum les coûts de construction et augmenter ses marges. Autre effet pervers : ce sont les seuls chantiers qui, quoiqu’il arrive, finissent sans aucun dépassement de délai ni de budget.
A ROANNE, le groupe EIFFAGE (industriel du bâtiment) associé à une banque a pour 55 millions d’euros édifié le centre pénitentiaire. Après trois ans de travaux, ce constructeur restera propriétaire de la prison pour vingt-sept ans et facturera sur cette période un loyer au ministère de la Justice. Coût total de la location pour l’Etat : 103 millions d’euros. Auxquels s’ajouteront les frais de maintenance.
Pour avoir une idée des activités d’une Société Privée dans un Établissement en P.P.P. on consultera avec intérêt le document publié par la SIGES, filiale de la multinationale SODEXO.
en savoir plus :
Le BTP se refait une santé en détention, Libération 19 janvier 2009
Prison et architecture
En plus de créer des places supplémentaires, parmi les objectifs du programme 13 200 figurent le souhait d’améliorer les conditions carcérales des détenus, l’État français ayant été régulièrement condamné pour l’indignité de ses conditions de détention, avec la volonté :
– d’ouvrir la prison sur le monde extérieur par des partenariats avec d’autres institutions (éducation, santé) et des intervenants extérieurs (dont de nombreux bénévoles) ;
– d’améliorer la vie sociale du détenu : autonomie en cellule individuelle (toutes les commodités y compris la douche), facilité d’accès à tous les services sociaux du programme : conseiller d’insertion, conseiller en droit, spécialistes de la santé, de la formation professionnelle, etc.;
– de s’appuyer sur une architecture dite « moderne » : la prison individuelle reliée à ses dépendances sociales par des couloirs propres, spacieux et clairs.
Pour répondre à ses ambitions, l’architecture est un élément essentiel.
Pour l’architecte Christian DEMONCHY « Un projet d’architecture délimite toujours un nouvel espace o├╣ se développera un mode de vie particulier par rapport au monde extérieur… Il y a donc dans tout projet architectural une part d’utopie. Quand la future construction -notamment carcérale- doit renfermer une population importante, c’est à un véritable projet de société que nous sommes confrontés. »
On peut donc légitimement se questionner sur le projet « philosophique » qui sous-tend la construction de grands ensembles carcéraux modernes… en peinant à trouver des réponses…
Il semblerait qu’à l’exception de MAUZAC, centre de détention de 252 places réalisé entre 1984 et 1986, les programmes récents aient marqué un point d’arrêt à ces alternatives, renouant avec le système pénitentiaire traditionnel. Avec pour effet de détourner le débat sur la vie carcérale au profit de celui sur la délégation de gestion au secteur privé. (source Étude, Généalogie de la prison moderne, Christian DEMONCHY, architecte).
Prisons propres mais déshumanisées
Dans les prisons modernes du programme, les cellules sont ainsi plus hygiéniques, avec une porte insonorisée et une douche.
Mais derrière ces avancées se cachent l’omniprésence de la vidéosurveillance réduisant les rapports humains entre détenus et surveillants, l’automatisation des postes de contrôle et de l’ouverture des portes, les vitres sans tain et interphones… qui font que les surveillants ne se déplacent plus
Les grilles fixées derrière les barreaux, pour empêcher le « yo-yo » (s’envoyer des objets attachés à une ficelle d’une cellule à l’autre) bouchent complètement la vue.
Autre problème, la taille des établissements augmente considérablement les temps de déplacement avec pour conséquence la réduction des mouvements des détenus qui doivent choisir entre parloirs, activités ou promenade.
Ce gigantisme crée également le fractionnement des taches et des responsabilités.
Concernant l’accès aux services désormais fournis par les prestataires privés (par exemple la commande de la « cantine », produits alimentaires) de nombreux dysfonctionnements sont notés (erreur ou perte de commande, compte débité sans livraison, etc.) et les interlocuteurs sont encore moins accessibles (pour la gestion de l’électricité par exemple, si les plombs sautent, le surveillant ne peut les remettre mais doit appeler la société gestionnaire allongeant la résolution des problèmes).
De nombreux détenus en viennent ainsi à regretter les anciennes prisons, insalubres mais « humaines » aux prisons ultra modernes et déshumanisées.
en savoir plus :
Dans la froideur des prisons modernes, Le Monde, 22 avril 2010
On est arrivés dans une prison propre, sans rats, sans cafards, sans humanité, Libération, 24 février 2010
nouvelles prisons, ultramoderne solitude, article de Sonya FAURE Libération, 16 février 2010
prison de MONT-DE-MARSAN, son univers paranoïaque, article de Sonya FAURE Libération, 16 février 2010
article de l’Est Eclair du 28 mai 2010 sur le C.P. de VILLENAUXE-LA-GRANDE
les prisons vont-elles rester la honte de la FRANCE ?, dossier de LYON-CAPITALE, mai 2009
une femme de détenu raconte la prison de Vezin – Rennes, Ouest France, 10 avril 2010
Cellules individuelles
Concernant l’encellulement en centre de détention (pour des détenus condamnés à de longues peines, contrairement aux maisons d’arrêt pour les personnes prévenues et les courtes peines), les cellules individuelles de 10,5 mètres carrés ne devraient jamais accueillir plus d’un détenu. Enfin, en théorie.
Dans un fichier informatique de 2007, échangé entre tous les protagonistes du projet de construction du centre de ROANNE, le groupe prestataire interroge l’agence du ministère de la Justice au sujet d’un modèle de « lit simple avec possibilité de superposition » (pour installer un autre lit simple au-dessus du premier). Pragmatique, l’industriel demande : « Merci de nous confirmer si ce type de lit est retenu pour toutes les cellules simples. Ce modèle de lit serait réalisé conformément au prototype présenté à ROANNE. » (source Le BTP se refait une santé en détention, Libération 19 janvier 2009)
Plus récemment lors des 5ème assises sur les prisons en FRANCE à la Maison de la Chimie, en février 2010, Michèle ALLIOT-MARIE, Ministre d’État, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Libertés, présente le prochain programme de construction de 5000 place et affirme : « L’encellulement individuel sera garanti, dans des cellules de 8,5 m2, donc impossibles à doubler »…
8,5 m2, c’est très peu pour une personne… Par ailleurs, on sait très bien que cela n’empêchera jamais l’administration pénitentiaire de mettre 2 lits superposés, même dans moins de 8,5 m2…
Intégralité du discours de clôture des 5e assises sur les prisons en France
par Mme ALLIOT-MARIE
Tous les membres de l’auditoire se sont regardés, effarés…. Elle ne plaisantait pas.
_______________________________________________________________________________________________________
Le Ministère de la Justice cherche, en réalité par tous les moyens , à poursuivre une politique aberrante d’enfermement à tout-va.. D’autres solutions existent pourtant : les peines alternatives (ce qui suppose un recrutement important de travailleurs sociaux pour en assurer le suivi), le numerus clausus et les prisons ouvertes. C’est cette politique-là que ROBIN DES LOIS compte faire avancer dans les années qui viennent.