Près de Paris, des détenus se préparent un avenir dans la « Rolls Royce » des prisons |06/06/2010| AFP
La prison de Fresnes, vétuste et surpeuplée, n’est qu’à quelques kilomètres, mais semble à des années-lumière : à Villejuif, dans un bâtiment propret, 40 détenus bénéficient d’une « chambre » individuelle avec salle de bain et d’ateliers pour préparer le retour à la liberté.
Niché depuis 2006 dans une zone pavillonnaire à deux pas de Paris, le Centre pour Peines aménagées (CPA) de Villejuif n’est pas une prison comme les autres. « C’est la Rolls Royce des lieux de détention », résume Martine Hercou├½t, juge d’application des peines à Créteil.
Ici, les détenus ont les clés de leur « chambre » – le mot « cellule » est banni – et peuvent, jusqu’à 20H30, déambuler librement dans le bâtiment qui abrite une salle d’ordinateurs rutilante et une bibliothèque. Pour accéder à l’étage de la direction, rien de plus simple : il suffit de pousser une porte battante.
« Certains oublient qu’ils sont ici en prison », relève un gardien.
« C’est sûr que quand tu arrives de Fresnes o├╣ t’es à trois par cellule, ça change un peu la donne », sourit Jalil (1), 27 ans, nouveau venu au CPA.
Le changement ne s’arrête pas là. Pendant leur premier mois à Villejuif, les détenus ont droit à un véritable « check up » : bilans de compétence, aide à la rédaction de curriculum vitae, entrevue avec un psychanalyste, séances avec une « socio-esthéticienne » pour travailler sur l’apparence.
« Franchement, je pensais que j’avais fait que des boulots de merde. Mais la confiance revient », poursuit Jalil, déroulant son passé d’ado plus intéressé par les « Pascal », les anciens billets de 500 francs, que par les bancs de l’école.
« Après le CM2, il ne s’est plus passé grand-chose pour eux. Ici, on les aide à se familiariser avec un monde du travail qu’ils ne connaissent pas », souligne Daniel Toussaint, un ex-conseiller en ressources humaines qui organise des simulations d’entretien d’embauche dans l’établissement.
Après ce premier mois et l’accord du juge, s’ouvre une nouvelle phase. Les détenus peuvent obtenir des autorisations de sortie pendant la journée pour s’inscrire à Pole Emploi, répondre à des annonces ou régulariser leur situation au Trésor public.
Certains trouvent alors un emploi et peuvent espérer, à terme, une libération conditionnelle.
« La prison, c’est la jungle. Ici, tu ressors avec quelque chose », assure Eddy, 24 ans, qui travaille en intérim dans l’électronique la journée et regagne le CPA le soir.
« L’idée est de créer un sas pour préparer le retour à la liberté. Il faudra qu’ils trouvent un travail mais aussi qu’ils apprennent à le garder », dit Valérie Bias-Wirbel, la directrice du centre.
Le dispositif repose sur une idée forte : casser le rythme de la détention. « Dans une prison classique, tout est réglé à la minute. On dit au détenu quand il doit manger, se laver, se promener. Ici, il gère son temps, en assume les conséquences et s’autonomise », détaille la directrice.
A Villejuif, le détenu qui oublie les horaires des repas devra se passer de nourriture. Ceux qui délaissent leur projet d’insertion ou enfreignent les règles de l’établissement s’exposent à des sanctions plus graves, allant de la privation de sortie le week-end au retour dans une maison d’arrêt.
Le projet n’est pas infaillible. Près de 10% des détenus profitent d’une autorisation de sortie pour se perdre dans la nature – à Villejuif, on ne parle pas d' »évasion » mais de « non-réintégration » – et la rechute n’est jamais exclue.
« Il peut y avoir des récidives et des retours en prison. Mais ce qui est sûr, c’est qu’on reprendra le travail de moins loin », relativise Stéphanie Langlais, du Service pénitentiaire d’Insertion et de Probation.
(1) Les prénoms ont été modifiés
Jérémy TORDJMAN
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