Juil 052010
  

Nous reproduisons in extenso un remarquable et bouleversant article de Laure HEINICH-LUIJER qui vient d’être publié par RUE 89 (ancienne première secrétaire de la conférence, elle est avocate au barreau de Paris et cofondatrice du cabinet BHMZ Avocats). Jean-Luc DEPRE s’est suicidé au C.P. de LIANCOURT le 8 mars 2010.

Un détenu se suicide trois jours après un refus d’hospitalisation

par Laure HEINICH – LUIJER, avocate, le 4 juillet 2010

L’effet de vases communicants est flagrant : les hôpitaux psychiatriques se vident de leurs lits et les prisons se remplissent de personnes atteintes de troubles mentaux. Les psychiatres défroquent-ils leur blouse blanche ?

Ils semblent en tous cas s’accorder avec les politiques sur le fait que les pathologies mentales ne doivent pas permettre l’immunité judiciaire. A peine 1% des expertises psychiatriques concluent à l’abolition du discernement des mis en cause et donc à leur irresponsabilité pénale.

Les experts deviennent ainsi la caution « scientifique » des décisions d’emprisonnement comme les avocats sont l’alibi de la procédure pénale.

La société, informée par quelques faits divers sur-médiatisés et utilisés à des fins sécuritaires, porte le fantasme du tout carcéral contre le rien psychiatrique que représenterait l’hospitalisation d’office. Cela arrange nécessairement quelques praticiens qui ont, et on les comprend, peur des agressions et des évasions à l’hôpital.

Le Centre pénitentiaire de LIANCOURT serait-il le reflet de ce tout carcéral, de ses dérives et de ses drames ? La prison est en tout cas à l’image de la statuette des trois singes que l’on voit dans le bureau de la DRH de l’hôpital de CLERMONT-DE-L’OISE, dont dépend le Centre pénitentiaire, avec les mains sur les yeux, la bouche et les oreilles. Pour les psychologues qui y travaillent, cette statuette symboliserait-elle le seul moyen de conserver leur emploi ?

 

neutraliser le détenu, plutôt que soigner le patient

Un quart du centre pénitentiaire est sur liste d’attente pour voir un psychiatre ou un psychologue. Il faut compter quatre à six mois pour les premiers entretiens d’évaluation sans que ceux-ci ne soient encore une prise en charge.

A LIANCOURT, comme dans tous les établissements pénitentiaires, il s’agit de neutraliser des détenus plutôt que de soigner des patients.

Les traitements sont régulièrement renouvelés sans voir les individus. Les médicaments se cumulent dans des sachets sans que les infirmiers soient bien certains de leur compatibilité car il n’y a pas de préparateur en pharmacie à LIANCOURT.

Dans les prisons françaises, en manque d’effectif médical, on ne peut pas être patient et détenu, il faut choisir.

Le numéro 5669 est mort. Il avait un numéro d’écrou au lieu d’un lit d’hôpital. Il est mort et il avait prévenu. Autant qu’un suicidaire puisse le faire.

En tournant les pages de son dossier, il n’y a pas une feuille sans les initiales TS, pour « tentative de suicide ».

  • Avant d’être incarcéré : TS.
  • Grille de vulnérabilité : TS.
  • Notice individuelle : TS.
  • Fiche d’observation : TS.
  • Fiche audience arrivant : TS.

Et quand il n’est pas écrit TS, on lit « risque auto-agressif », le mot est plus recherché.

5669 avait fait quatre tentatives de suicide préalables desquelles il avait été sauvé in extremis en service de réanimation.

Le risque suicidaire était si évident que l’administration pénitentiaire l’avait placé sous surveillance spéciale. Il faisait également l’objet d’un traitement psychiatrique et psychologique.

un refus d’hospitalisation sans entretien préalable

A partir du 1er mars 2010, tout convergeait pour indiquer qu’une nouvelle tentative était imminente : il stockait son traitement médical, sa femme introduisait une procédure de divorce, une confrontation avec la partie civile était prévue, le juge d’instruction refusait finalement d’accorder un permis de visite à son fils après lui avoir annoncé le contraire.

Il avait, par ailleurs, perdu trente kilos en six mois de détention et avait été hospitalisé d’office trois jours en novembre 2009. Devant ce tableau accablant, le psychologue qui le suivait en détention a demandé à la psychiatre de le faire bénéficier d’une hospitalisation d’office.

Le conseiller d’insertion et de probation signalait lui aussi le risque accru de suicide. La psychiatre a refusé l’hospitalisation le 5 mars 2010 sans même prendre le soin de rencontrer le patient -le détenu ? le numéro d’écrou ?

Effectivement, bien qu’en détention provisoire et donc présumé innocent, le numéro 5669, incarcéré pour inceste, n’avait pas grand chose pour plaire. Il s’est suicidé le 8 mars 2010.

la Commission nationale de déontologie saisie

A LIANCOURT, a-t-on oublié le droit à la vie tel qu’il résulte de l’article 2 de la Convention européenne ?

C’est sur ce fondement que le Conseil d’état considère qu’un détenu est une personne particulièrement vulnérable, entièrement dépendante de l’administration, laquelle doit par conséquent prendre les mesures nécessaires à protéger sa vie :

« En vertu d’un principe rappelé notamment par la première phrase de l’article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, au terme de laquelle le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi, eu égard à la vulnérabilité des détenus et à leur situation d’entière dépendance vis-à-vis de l’administration, il appartient tout particulièrement à celle-ci, et notamment au garde des Sceaux, ministre de la Justice et aux directeurs des établissements pénitentiaires, en leur qualité de chefs de service, de prendre les mesures propres à protéger leur vie. » (Conseil d’État, arrêt du 17 décembre 2008 rendu à l’initiative de la section française de l’Observatoire international des prisons)

Si la Société d’aujourd’hui considère qu’elle n’a pas à tout mettre en œuvre pour garder les auteurs d’infraction en vie pour ce qu’ils sont, peut-être devrait-elle au moins le faire au nom des victimes et de leur droit à un procès et ce, bien que l’on sache que celui-ci demeure toujours sans rapport avec leur douleur et sans effet sur elle.

Le psychologue a averti la hiérarchie du refus opposé par la psychiatre à l’hospitalisation d’office. Il a également fait saisir la Commission nationale de déontologie de la sécurité pour que des explications soient données sur les conditions de ce passage à l’acte.

Psychologue diligent, fort bien noté jusque là, il recevait un avis défavorable à sa titularisation. Il s’était manifestement trompé de serment. Au centre pénitentiaire de LIANCOURT on n’est pas fidèle à Hippocrate, on l’est à la statuette : ne rien dire, ne rien entendre, ne rien voir.

Laure HEINICH-LUIJER

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« MORALE » de l’histoire ?

Depuis le suicide de Jean-Luc DEPRE, Nicolas RAHMANI, psychologue, a été écarté pour avoir dénoncé le refus d’hospitalisation de son patient…

son interview sur EUROPE 1.fr

PRISON : UN SUICIDE EVITABLE

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  3 commentaires à “les « assassins » sont parmi nous…”

  1. Bonjour,
    Je suis surprise de trouver sur votre site la copie d’un article de Mme Heinich-Luijer qui est paru sur son blog sur le site Rue89 et que j’avais découvert à cet endroit.
    Vous indiquez l’origine de l’article mais vous l’utilisez en entier et vous ne faites pas de lien vers Rue89. Cela prive Rue89 de trafic et empêche de découvrir les autres articles.
    J’apprécie beaucoup cet article mais je ne pense pas que vous puissiez l’utiliser comme cela. Vous ajoutez en plus une conclusion qui n’est pas de Mme Heinich-Luijer.
    D’autre part vous utilisez le logo de Rue89 sur FaceBook pour faire un lien vers votre site et vous l’utiliser aussi sur votre blog. Avez-vous leur autorisation pour cela ?
    Bien à vous,
    Karima.

  2.  » Lorsque tu fais quelque chose, sache que tu auras contre toi ceux qui voulaient faire la même chose, ceux qui voulaient faire le contraire et l’immense majorité de ceux qui ne voulaient rien faire .  » [Confucius]

    Chère Madame,

    Nous aimons bien cette citation de CONFUCIUS qui, en général, coupe court à toute discussion avec les  » donneurs de leçons  » professionnels.

    Nous construisons une association et un site avec une rigueur scrupuleuse, qui a, d’ailleurs, permis à François KORBER – fondateur de  » ROBIN DES LOIS  » avec quelques ami(e)s – de remporter de très nombreuses victoires judiciaires pour faire avancer les Droits de l’Homme dans les prisons. Avec l’ambition, tous ensemble, d’en remporter beaucoup d’autres.

    Concernant notre site, nous indiquons toujours nos sources, nous mettons un maximum de liens vers les sites amis ou les sites d’o├╣ sont tirés les articles, et nous séparons totalement un article ou un extrait d’article des commentaires exprimant la position de RDL sut tel ou tel sujet. Cette séparation est soulignée par le graphisme, un trait, un changement de caractères ou un titrage distinct. Je vois mal comment on pourrait être plus honnête intellectuellement. Enfin, en ce qui concerne les photos, nous indiquons toujours leur origine – lorsqu’elle est connue – pour nous acquitter des droits a posteriori, s’ils nous sont demandés.

    Enfin, puisque vous semblez apprécier FACE BOOK, il ne vous aura pas échappé que des milliers d’articles ou de vidéos son repris chaque semaine, avec le logo du site d’o├╣ ils sont tirés. Nous avons reproduit le logo de RUE89 pour signaler d’o├╣ était tiré l’article. Qu’est-ce que vous auriez préféré : le logo de MINUTE, celui de RIVAROL ou celui de FRANCE-DIMANCHE ? Par ailleurs, votre flicage est un peu expéditif : il y a un lien vers RUE89, comme nous en mettons pour tous les documents que nous publions (source, date, contexte, etcÔǪ). Par conséquent – et contrairement à vos allégations – RUE89 n’a pas été privé de trafic. Bien au contraire, puisque les internautes curieux peuvent aller lire l’article original et, le cas échéant, d’autres articles sur le même thème comme en publient tous les sites de presse. Enfin, ce que vous appelez une CONCLUSION n’en est pas une. C’est  » le point de vue  » de ROBIN DES LOIS, très clairement séparé de l’article par un gros trait qui a sans doute échappé à votre sagacité.

    Compte tenu de la nécessité de publier dans l’urgence pour offrir – gratuitement – un site vivant et susceptible d’intéresser les personnes qui se préoccupent réellement des drames vécus tous les jours dans  » nos  » prisons, nous n’avons ni le temps ni les moyens de remplir des kilos de paperasses ou de demander des autorisations préalables , le cas échéant en 5 exemplaires avec – pourquoi pas ? – une signature légalisée au Commissariat de police. C’est gentil de nous inviter à faire tout cela mais, pour nous, ce serait suicidaire. Nous préférons consacrer notre énergie à des actions concrètes et efficaces.

    Aucun des sites ou des blogs les plus éminents ne demandent d’autorisation préalable pour reprendre un article qui se trouve dans le domaine public. Mais tous : citent leur source, reproduisent le logo, et distinguent clairement le document reproduit du contexte rédactionnel. Ce que nous faisons scrupuleusement.

    Hostiles à toute censure, nous publions volontiers votre commentaire – après avoir perdu 30 minutes pour y répondre – en vous invitant cependant – très cordialement – à consacrer votre énergie à des causes concrètes et efficaces : celle des prisons par exemple. Et des personnes qui y crèvent, toutes les semaines, comme des chiens.

    Bien à vous.

    le Bureau.

  3. bjr tlm,
    je suis p-e hors sujet, pour moi cet hopital est à bannir pour les gens
    ma mère est decedee, suite à on va dire un manque d hygiene de soin de cet hopital.
    ça me hante depuis presque 2 ans et demi , ma maman a souffert, j ai fait des photos des escares qu elle a eu, je haie cet hopital qui n en est pas un pour moi
    bon courage à ceux qui iront là bas

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