Les confusions de peines, souvent mal connues des personnes détenues qui pourraient en bénéficier nous paraissent devoir intéresser les personnes détenues, leurs familles et tous nos visiteurs, juristes ou non.
Nous publions, par conséquent, in extenso, un commentaire de M. LENA sur un important arrêt de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation en date du jeudi 12 avril 2012, rendu public sur le site de DALLOZ, auquel nous renvoyons.
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Lorsque deux condamnations à l’emprisonnement assorties ou non d’un sursis partiel ont été prononcées et que la confusion totale a été accordée, seule doit être exécutée la partie d’emprisonnement sans sursis la plus longue.
La chambre criminelle rend, à l’occasion du non-lieu à renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), un arrêt important consacrant un revirement de jurisprudence en matière de confusion de peines. On sait que la situation de la personne ayant commis des infractions en concours réel est pénalement particulière, à cheval entre celle du délinquant primaire et celle du délinquant réitérant ou récidiviste, dans la mesure o├╣, si, comme le second, elle a bien commis plusieurs infractions à la loi pénale, elle n’a pas, à l’instar du premier, subi un premier avertissement solennel de la justice.
La QPC était en l’espèce ainsi rédigée : » L’article 132-5, alinéa 5, du code pénal, tel qu’il est interprété de manière constante par la chambre criminelle de la Cour de cassation, viole-t-il le principe d’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs, principe fondamental reconnu par les lois de la République et le principe d’égalité devant la loi pénale, en ce qu’il conduit à ce qu’une personne ayant commis des faits pénalement répréhensibles pendant une période durant laquelle il a été mineur puis majeur soit plus sévèrement punie qu’une personne ayant commis exactement les mêmes faits mais ayant été exclusivement majeure durant cette période ? « Le jeune homme, prétendant à la liberté conditionnelle, avait ainsi été condamné pour une même série de faits, commis pour partie lorsqu’il était mineur et pour l’autre partie lorsqu’il était majeur : d’une part, à quatre ans d’emprisonnement dont deux avec sursis par le tribunal correctionnel se déclarant incompétent pour la période o├╣ l’intéressé était mineur, d’autre part, à un an d’emprisonnement par le tribunal pour enfants, peine confondue avec la première. La question portait ainsi, précisément, sur les effets de la confusion totale accordée entre deux peines dont l’une au moins est assortie d’un sursis partiel.
Pour plus de clarté, nous rappellerons brièvement l’évolution du droit positif sur ce point : sous l’empire de l’ancien code pénal (en particulier de son art. 5 relatif au principe du non-cumul), la chambre criminelle avait décidé que lorsque deux condamnations comportant chacune une peine d’emprisonnement avec un sursis partiel avaient été prononcées avec confusion, seule devait être exécutée la peine la plus forte, indivisible, ce qui signifiait que seule devait être ramenée à exécution la part d’emprisonnement ferme afférente à la peine la plus forte (Crim. 18 nov. 1980, Bull. crim. n° 304 ; RSC 1982. 108., obs. J. Larguier [dans cette espèce : condamnations à 6 mois d’emprisonnement dont 3 mois avec sursis puis à 4 mois d’emprisonnement dont 2 avec sursis ; peine ferme exécutoire après confusion = 3 mois, correspondant à la part d’emprisonnement ferme afférent à la peine la plus forte]). Après l’entrée en vigueur du code pénal en 1994, la chambre criminelle avait modifié sa jurisprudence au visa de l’article 132-5, alinéa 5, qui prévoit que » le bénéfice du sursis attaché en tout ou partie à l’une des peines prononcées pour des infractions en concours ne met pas obstacle à l’exécution des peines de même nature non assorties du sursis « . Elle jugeait ainsi, dans une interprétation dont l’on a pu dire qu’elle donnait à la confusion un effet réduit non commandé par le texte (AJ pénal 2007. 146, obs. M. Herzog-Evans ), qu’il y avait lieu d’exécuter cumulativement des deux parties d’emprisonnement sans sursis, dans la limite de la durée totale de la peine absorbante (en l’espèce, peines prononcées = 3 ans d’emprisonnement dont 16 mois avec sursis et mise à l’épreuve, soit 20 mois ferme, confondue avec une peine de 2 ans d’emprisonnement dont 1 an avec sursis soit 1 an ferme ; peine ferme exécutoire = 32 mois, correspondants à 20 + 12 mois ; Crim. 24 janv. 2007, D. 2007. AJ 728 ).
Or, dans l’arrêt rapporté, la chambre criminelle énonce que » lorsque deux condamnations à l’emprisonnement assorties ou non d’un sursis partiel ont été prononcées et que la confusion totale a été accordée, seule doit être exécutée la partie ferme d’emprisonnement sans sursis la plus longue [en l’espèce = deux ans ferme, alors que sous l’empire de la jurisprudence antérieure, il se serait agi de trois ans], et en revient donc à sa solution de 1980.
Ce nouveau revirement souligne un réel souci de sécurité juridique en matière de confusion de peines, o├╣ les conséquences pratiques sont pourtant de la plus haute importance pour les condamnés. Pour aujourd’hui, choisissons de retenir qu’obtenir la confusion recouvre, dans les hypothèses visées, un véritable intérêt (pour une étude d’ensemble de la question, V. Rép. pén., Confusion des peines, par Herzog-Evans ; D. Bécheraoui, La confusion des peines assorties du sursis avant et après le nouveau code pénal, RSC 1999. 767 ).
par M. Léna le 23 avril 2012