(Maître Arnod, avocat de Younesse Bambara à la sortie de l’audience de référé qui a eu lieu le 23 juillet)
J’ai assisté hier à l’audience du Tribunal Administratif de Versailles dans laquelle a été débattu le Référé-Liberté que M. Bambara avait déposé. Je rend compte brièvement ci-dessous de cette audience et de son résultat.
Robin des Lois avait déposé un mémoire en intervention volontaire, c’est à dire que nous étions venus soutenir l’action judiciaire de M. Bambara.
Nous avions à faire à forte partie puisque Le Ministère de la Justice était représenté par M. Trémolière. juriste à la Sous-Direction des affaires Juridiques Générales et du Contentieux, avec deux observateurs anonymes et Mme Sara Chefai, Chef de la Sécurité à Fleury-Mérogis.
Maitre Arnod est intervenu avec précision pour répondre au mémoire de l’avocat du Ministère qui nous avait été communiqué 10 minutes avant le début de l’audience (nous avons obtenu un quart d’heure pour en prendre connaissance). Au tribunal Administratif, la procédure est essentiellement écrite. Il ne s’agissait donc pas de présenter l’ensemble de nos arguments mais de répondre à ceux du Ministère ce que fit Maitre Arnod avec précision et pugnacité.
François Korber est ensuite intervenu au nom de Robin des Lois. S’il a soutenu différents arguments de droit évoqués par Maitre Arnod, il a surtout su évoquer la situation humaine particulièrement pénible de M. Bambara. Ayant connu la prison et les souffrances inutiles qu’on inflige trop souvent aux détenus, François était le mieux placé pour faire comprendre, au-delà des arguments juridiques, le sens humain de notre démarche.
Un échange eut ensuite lieu à l’initiative du Président du Tribunal, concentré et attentif tout au long de l’audience.
Il s’agissait essentiellement de savoir qui avait la compétence pour transférer M. Bambara. Pour le Ministère, même si la compétence est conjointe, c’était au magistrat de Pontoise dont dépend le détenu d’ordonner le transfert. Maitre Arnod montra pourtant que le juge avait dans ses réponses nettement montré qu’il ne s’opposait pas au transfert et que la décision finale incombait bien à l’Administration Pénitentiaire.
Nous avons appris ce matin que nos requêtes étaient rejetées. Je mesure la détresse de M. Bambara en cette circonstance et je l’assure, ainsi que sa famille, de la poursuite de nos efforts pour améliorer sa situation.
Je voudrais revenir sur notre démarche pour en montrer l’intérêt et pour montrer que nous n’avons essuyé ce matin qu’un échec partiel.
Une audace juridique
Faire un référé-liberté pour contester une décision de transfert (ou pour mieux dire de non-transfert) n’est pas une démarche habituelle.
L’idée est venue de François Korber qui cherche toujours à utiliser la Justice pour améliorer les droits et les conditions de vie des détenus.
L’idée étant émise, il fallait réaliser un texte de qualité qui se tienne devant le Tribunal Administratif. C’est alors un travail collectif qui s’est enclenché. La rédaction du texte définitif a été réalisé au cabinet de Maitre Arnod mais elle a été facilitée par les conseils éclairés de Nicolas Ferran, chargé des affaires juridiques à l’O.I.P, que je tiens ici à remercier au nom de notre association. François Korber a évidemment contribué à la rédaction finale de ce référé.
Une méthode confortée
Si la requête de M. Bambara a été rejeté, le juge des référés indique dans ses attendus :
Considérant qu’il résulte de l’instruction que le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Pontoise s’en est remis à deux reprises à l’administration pénitentiaire sur le fait de savoir si le transfert de M. Bambara était opportun et que c’est par plusieurs décisions de la directrice de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis [qu’elle] s’est opposée à la demande de transfert de M. Bambara vers une autre maison d’arrêt; qu’il y a, dès lors lieu, en l’état de l’instruction, d’estimer que l’intéressé attaque une décision à caractère administratif relevant de l’office du juge administratif;
ce qui signifie qu’il s’estime compétent, et qu’il aurait pu faire application de l’article L. 521-2 du code de justice administrative qui permet au juge des référés d’ordonner toutes mesures nécessaires pour faire cesser une atteinte à une liberté fondamentale causée par une personne morale de droit public.
Nous avons donc remporté une victoire contre l’Administration Pénitentiaire qui voulait se défausser sur l’autorité judiciaire : c’est bien elle qui persiste à refuser le transfert !
Ainsi, la voie que nous avons choisie était bonne mais nous avons échoué à démontrer la réalité de l’atteinte à une liberté fondamentale dont nous estimons que M. Bambara est victime.
Certes, M. Bambara n’a pas subi de nouvelles violences (heureusement) mais cela ne signifie pas qu’il n’y a pas d’atteinte à sa dignité. Les pressions psychologiques dont il se plaint, les brimades ou les fouilles intempestives constituent précisément une atteinte à sa dignité, une situation que le juge doit, à notre sens, prendre en compte.
Il est également exact qu’il n’est plus au contact direct des surveillants qu’il a mis en cause mais cette situation peut changer d’un jour à l’autre s’il retourne au Quartier Disciplinaire et les surveillants du bâtiment D2 dans lequel il se trouve sont évidemment des collègues de travail de ceux du Quartier disciplinaire et on connaît dans le milieu difficile et clos de la prison l’esprit de corps qui soude les personnels de l’Administration.
Aux frontières de la jurisprudence, notre action n’a pas réussi pour l’instant mais la méthode n’est pas à remettre en cause. Nous persistons bien entendu à demander le transfert de M. Bambara.
Notre action se poursuit
D’abord nous allons interjeter appel devant le Conseil d’Etat (procédure particulière au référé liberté).
Ensuite notre participation au référé d’hier n’a jamais été pour nous un « dernier recours ». C’est une étape dans notre action de soutien à M. Bambara et aux autres détenus qui se plaignent de violence au Quartier Disciplinaire de Fleury-Mérogis.
D’autres recours ont par ailleurs été déposés (défenseur des droit, Contrôleure des lieux de privation de liberté) et l’action militante se poursuit pour faire toute la vérité sur ce qui s’est passé à Fleury et pour que de tels faits ne se reproduise pas à Fleury… comme ailleurs.
Sylvain Renard
Président de Robin des Lois.
Pour nos amis juristes, nous publions le texte de notre référé.
Bonjour,
je suis contente de constater que l’association Robin des Lois est active ,pour ne pas laisser enfouir des actes de violence grave de la part de certains surveillants de Fleury Mérogis.
Pour ma part , lors d’une visite j’ai retrouvée mon fils, défiguré par les coups.C’est suite a cela que nous avons contactés Robin des Lois ,les seuls a être à l’écoute et à mener un vrai combat juridique.Je suis solidaire des autres familles dans le même cas. Apparemment et malheureusement nous sommes nombreux.
Et encore bravo pour votre travail aux membres de l’association et en particulier a François Korber.
Mme ATTARI