L’incarcération constitue souvent un moment de réflexion sur sa vie et ses actes. Moment de retour vers la religion, aussi, comme moyen de se « raccrocher » à « quelque chose »… Loin des fantasmes propagés par les provocations à la ZEMMOUR sur « les noirs et les arabes », il nous apparaît intéressant de consacrer un petit dossier sérieux aux réalités de la religion en prison.
Dans un passionnant AVIS en date du 24 février 2011 – qui devrait être publié au JOURNAL OFFICIEL du 17 avril prochain – Jean-Marie DELARUE, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, effectue une passionnante analyse de l’exercice des cultes dans les prisons (télécharger ici le document).
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« Il appartient à l’administration responsable des lieux de privation de liberté de « pouvoir satisfaire aux exigences de [la] vie religieuse, morale ou spirituelle » (code de procédure pénale) des personnes dont elle a la charge. Tel n’est pas toujours le cas aujourd’hui. Dans les conditions actuelles, les pouvoirs publics sont susceptibles de se voir reprocher de ne pas appliquer les principes nécessaires, en particulier en termes d’égalité de traitement et d’absence de discrimination, […] au regard de la nécessaire neutralité de l’État vis-à-vis du fait religieux […]. Il appartient à tous les personnels amenés à travailler dans ces lieux, non pas de décider ce qui est objet religieux ou non, mais, formés à cette fin, de savoir identifier les objets de prière et, dans la mesure o├╣ ils sont compatibles avec le bon ordre de la vie collective, d’y apporter une attention particulière.
Les commentaires tendancieux des personnels, de statut public ou privé, sur les convictions et les pratiques religieuses, quelles qu’elles soient, ne font pas partie des règles applicables aux lieux de privation de liberté : ils sont toujours inutiles, la plupart du temps nuisibles.
Il appartient à l’administration de proportionner le nombre d’aumôniers agréés au nombre de personnes qui se réclament d’une religion.
Les prières ou offices collectifs doivent pouvoir se dérouler dans des locaux conçus à cet effet, d’une surface et aménagés en rapport avec leur destination […] sous la responsabilité des aumôniers des différentes confessions. […] Aucune contrainte, aucune menace ne saurait être acceptée ni sur le plan de l’observance ou ni sur celui de l’absence d’observance de prescriptions religieuses […]. »
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Entre autres difficultés, les détenus musulmans souffrent parfois d’un déficit d’imams, d’une absence de nourriture halal, et d’un manque de respect pour les tapis de prière ou autres objets religieux.
Un très intéressant article de François KOCH (cliquer ici), publié ce mercredi 13 avril 2011 sur le site de L’EXPRESS.fr apporte un éclairage sur le poids respectif des divers cultes en prison (cliquer ici). L’article vaut beaucoup mieux que son titre, lequel déforme un peu le contenu de l’AVIS de Jean-Marie DELARUE en se focalisant inutilement sur l’islam.
Sur le même sujet, on lira avec intérêt l’ouvrage de Farhad KHOSROKHAVAR, « L’ISLAM DANS LES ┬¿PRISONS » (BALLAND). L’auteur nuance certains clichés ZEMMOURIENS (cliquer ici). Il est évident que les musulmans sont plus nombreux dans les Établissements proches des Quartiers dits « sensibles ». Et beaucoup moins nombreux dans les prisons du Massif Central ou d’Aquitaine, par exemple…
Sur le même thème, un article de Coline BERARD, publié le 17 mars 2011 décrit « Ces idées reçues qui viennent de l’extrême-droite » (cliquer ici) et, notamment, un cliché stupide : » les prisons sont pleines de noirs et d’arabes. » La journaliste cite longuement le sociologue Laurent MUCCHIELLI, pour qui la proportion des Français d’origine étrangère dans les prisons varie selon plusieurs critères :
« Pour commencer, il faut distinguer les personnes de nationalité française qui ont une origine étrangère de ceux qui n’ont pas la nationalité française. »
Il faut tenir compte de la localisation géographique: « Les prisons des grandes agglomérations, situées à proximités des zones urbaines sensibles, comptent davantage de détenus ‘d’origine étrangère’ que celles de zones rurales« . Les populations en question sont plus présentes dans les banlieues d’agglomération qu’en pleine campagne.
Le type de peine: « Les crimes de sang, les viols sont plus souvent l’oeuvre de Français d’origine française, poursuit Laurent MUCCHIELLI. Les personnes d’origine étrangère sont davantage concernées par les actes de petite délinquance« .
Le contexte social: « Les choses n’ont pas beaucoup changé depuis 50 ans, rappelle le sociologue. Il n’est pas tant question de couleur de peau que de milieu social: ce sont les plus pauvres qui sont majoritaires en prison. »
Dans ce « désordre des idées », la lecture du très remarquable AVIS de Jean-Marie DELARUE, plein de mesure, est totalement indispensable ! (cliquer ici pour consulter le Journal Officiel))