Août 122015
  

ct_opt(Photo Guillaume Paumier)

Nous venons d’apprendre que La Ministre de la Justice vient de refuser la demande de transfert de Younesse Bambara. La notification se contente de reprendre les arguments de l’Administration Pénitentiaire.

Le Conseil d’Etat avait ordonné que l’instruction de la demande de M. Bambara soit reprise et menée à bien puisque les refus qui lui avaient été opposés ne respectaient pas la procédure régulière pour un détenu particulièrement signalé qui impose que la Ministre prenne elle-même la décision.

La décision de refus qui a été notifiée ce matin à M. Bambara me paraît inhumaine et choquante.

Inhumaine, car M. Bambara, depuis qu’il a porté plainte pour des sévices qu’il aurait subi au Quartier Disciplinaire de Fleury-Mérogis, subit les intimidations et les mesures de rétorsion des surveillants qui ne supportent pas que l’un des leurs soit mis en cause. Cet homme, par ailleurs en très mauvais état de santé physique et morale, ne demandait pas une faveur mais seulement de poursuivre sa détention dans des conditions normales.

Choquante, parce que la décision prise est aux antipodes des déclarations enflammées et poétiques de la Ministre de la Justice sur les Droits de l’Homme et les grands principes. Comment expliquer une telle décision ? Sans doute principalement dans le désir de la Ministre de ne pas déplaire à une Administration pénitentiaire qu’elle ne maîtrise pas.

Car là est probablement le vrai problème. Le Ministère de la Justice n’est pas le seul o├╣ le Ministre est autant le chef de son administration que sa marionnette. Le drame, c’est que les conséquences humaines sont ici considérables.

On me fait d’ailleurs remarquer que la Ministre n’a sans doute pas pris personnellement la décision en cause. J’en convient mais un Ministre est responsable des décisions prises en son nom.

Avec l’avocat de Younesse Bambara, Olivier Arnod, nous allons étudier les suites à donner à cette décision qui n’honore par la Garde des Sceaux. Je souhaitais d’abord vous en informer et assurer Younesse et sa famille que nous restons à leurs côtés.

Sylvain Renard

Mai 132010
  

 

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Le 22 avril, ARTE.tv a publié le webdocumentaire PRISON VALLEY, présenté comme un « road movie participatif » à la rencontre de l’industrie de la prison aux ÉTATS-UNIS.

Ce web documentaire mêle vidéos, photos et permet aux internautes de « cheminer » à leur gré sur la « route principale » : le film ou ses « bifurcations » : portfolio, tchat, forum,… (présentation des principes interactifs ici Prison Valley : le web documentaire à l’école de la route).

Concernant les contenus du documentaire on peut légitimement se poser la question : Existe-t-il en France un risque de dérive à l’américaine ? C’est évident. En 1986, le triste Albin CHALANDON eut l’idée d’aller voir comment fonctionnaient les prisons aux ÉTATS-UNIS. C’est ainsi qu’il importa l’idée des prisons à gestion mixte, inexactement appelées « prisons privées » (nous publierons prochainement un dossier très complet sur le résultat de cette « expérience », 25 ans après).

François KORBER, délégué général de ROBIN DES LOIS, a été interviewé sur la dérive en matière de business carcéral pour les cantines et la construction de ces monstres d’acier et de béton (à voir sur le site Webdocs d’ARTE TV). Ou ci-dessous.

Vous pouvez regarder le documentaire intégralement sur http://prisonvalley.arte.tv/fr en attendant sa diffusion sur la chaîne ARTE le 12 juin, consulter le tchat avec Jean-Marie BOCKEL (prochain rendez-vous le 20 mai à 19h avec Florence AUBENAS de l’O.I.P.) ou vous joindre aux forums.

Le sujet

Fremont County, Colorado : deux villes – Ca├▒on City & Florence, 36.000 âmes, 13 prisons, 7731 détenus. Ce n’est plus un comté. Mais un complexe prisonnier, comme l’on dit complexe hôtelier. C’est Prison Valley, région paumée du Colorado. Ici, on a planté une prison dans les années 80. Puis un hôtel. Puis une autre prison. Puis un resto. Puis une troisième prison. Et encore un motel. Un cabinet d’avocats s’est installé. Puis cinq autres prisons.

C’est presque une ville modèle avec son chômage en baisse, ses 21 % de population incarcérée, ses pénitenciers dernier cri, son Supermax à demi enterré dans le désert,  » the Alcatraz of the Rockies « , comme on dit là-bas, la prison des prisons, celle des Timothy McVeigh, Unabomber, Zaccaria Moussaoui et tant d’autres, avec couloirs donnant sur la mort.

Au final, Prison Valley, c’est ça : une ville prison o├╣ même ceux qui vivent dehors vivent dedans, d’une façon ou d’une autre. Avec ce webdocumentaire, le spectateur plonge au cœur de l’industrialisation des prisons.

Fév 152010
  

A l’occasion de la sortie en salle du film UN PROPHETE, de JACQUES AUDIARD, François KORBER, dans un article du « MONDE » en date du 26 août 2009, évoque « la restitution scrupuleuse des bruits et de l’espace d’une prison ».

UN PROPHETE est un film français réalisé par JACQUES AUDIARD en 2008. Présenté en compétition officielle lors du Festival de Cannes 2009, il y a obtenu le Grand prix du jury. Quelques mois plus tard, il reçoit le Prix Louis-Delluc. Lors de la cérémonie des César du cinéma 2010, il gagne 9 récompenses dont celles du meilleur film et du meilleur réalisateur. Il est sorti en salles le 26 août 2009 et a comptabilisé 1 249 000 entrées.

Ce film a bénéficié d’une très large et bonne critique. Rare voix discordante, Catherine CHARLES de l’A.R.P.P.I., dans une interview intitulée « PRISON BERK », sans nier la qualité cinématographique de l’œuvre, déclare : « Avec ce film, Tahar RAHIM laisse une empreinte nette et précise dans les fichiers des grands du cinéma français. Pour le coup, sans être experte amie-amie avec l’audiovisuel, je trouve qu’avec ce « prophète », au format inhabituel, AUDIARD nous parle de cinéma à défaut de prison« .

synopsis

Malik El DJEBENA, un jeune délinquant condamné à six ans de prison, est dès son entrée, contraint par un clan mafieux corse d’assassiner Reyeb, qui s’apprête à témoigner contre eux. Il devient dès lors le protégé et le larbin de César LUCIANI qui contrôle l’ensemble de la prison, les petits et gros trafics, avec l’aide de surveillants soudoyés. Petit à petit, il gagne la confiance de César qui décide de lui confier un certain nombre de missions de renseignements et de transmission d’informations avec l’extérieur. Malik organise en parallèle son propre réseau en prison avec l’aide des « barbus » et d’un gitan tout en continuant à prêter allégeance à Luciani, par crainte et intérêt.

Après avoir purgé la moitié de sa peine, Malik obtient avec l’aide de LUCIANI des permissions de sortir journalières que le vieux chef corse utilise pour organiser ses affaires mafieuses à l’extérieur. Malik devient ainsi indispensable à LUCIANI, qui, de plus, voit son influence s’amenuiser au sein de l’établissement pénitentiaire sous le double effet du regroupement des prisonniers corses près de leur famille et de la montée en puissance des chefs maghrébins plus ou moins liés aux réseaux religieux musulmans.

LUCIANI, trahi dans ses affaires à l’extérieur, décide de reprendre le pouvoir en éliminant un concurrent marseillais lié aux Italiens et des traîtres au sein de son clan. Il confie à Malik la mission de trouver une équipe pour éliminer ces personnes et de s’allier localement avec Brahim LATTRACHE pour le partage du territoire.

voir le trailer

Mai 222010
  

REUTERS / Robert PRATTA

quelle prise en charge des détenus souffrant de troubles psychiatriques ?

La prison est pathogène

Les détenus souffrant de troubles de la personnalité et troubles psychotiques représentent entre 20 % et 25 % de la population actuellement détenue.

Pour Christiane de BEAUREPAIRE, ancienne chef du service psychiatrique de la prison de FRESNES : « Deux études récentes l’expliquent très bien : la moitié des arrivants en détention présentent des troubles psychiatriques, 30% environ souffrent de névroses avérées et graves. Plus des deux tiers ont connu des événements traumatiques, précoces, divers, nombreux, engendrant des vulnérabilités dépressives et anxieuses. » (lire l’interview complète Interview de Christiane de BEAUREPAIRE par Julie JOLY – L’EXPRESS du 22 janvier 2009 et aussi Christiane de BEAUREPAIRE « Interne en prison ? De la folie ? »).

Pour le docteur Louis ALBRAND, auteur d’un rapport sur le suicide en prison et coordonnateur d’un collectif pour l’humanisation des prisons et des hôpitaux psychiatriques : « De nombreux malades sont mal soignés, sans traitement, et donc potentiellement dangereux. Ils vivent souvent dans la rue, se droguent et/ou boiventÔǪ Et finissent par se retrouver en prison. Ensuite, c’est un cercle vicieux. Le climat pénitentiaire exacerbe et aggrave ces maladies, alors que les prisons manquent cruellement de psychiatres. S’ils sortent, ils vont y retourner. Pour moi, ces déficiences de la prise en charge psychiatrique en FRANCE expliquent en grande partie les 40% de récidive, ou les suicides en prison. » (Interview complète du Dr Louis ALBRAND par Anouchka COLLETTE, le 21 mai 2010 à lire sur le site de Rue 89)

ce que propose la loi

La loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice a prévu la mise en place d’unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) pour l’hospitalisation complète des personnes détenues atteintes de troubles mentaux. Les UHSA ont vocation à améliorer ainsi l’offre d’accès aux soins au bénéfice de ces patients détenus. Ils représentent le chaînon nécessaire dans la prise en charge entre les SMPR et les UMD. (ici un document rappelant le fonctionnement actuel de la prise en charge psychiatrique des détenus)

Il est ainsi mis fin à l’hospitalisation (complète) en SMPR, et toute personne détenue atteinte de troubles mentaux nécessitant une hospitalisation complète sera hospitalisée dans les UHSA, avec ou sans son consentement.

Le programme prévu d’implantation des UHSA comporte deux tranches. La première tranche, d’une capacité de 440 places sur 9 sites, doit être réalisée d’ici à 2012. La première UHSA a ouvert à LYON le 18 mai 2010.

Sites des futures UHSA : VILLEJUIF, MARSEILLE, LILLE, ORLÉANS, LYON, TOULOUSE, NANCY, BORDEAUX et RENNES, pour un total de 440  places (Source : Chancellerie).

La seconde tranche – comportant 265 places sur 8 sites – sera réalisée à partir de 2010-2011.

ouverture de la première UHSA à LYON

visite guidée en images sur le site du FIGARO (reportage de Marion BRUNET)

le premier hôpital psychiatrique carcéral ouvre ce matin à LYON LIBÉRATION.fr du 18 mai 2010 par Olivier BERTRAND . Avec un article du vendredi 21 mai 2010 très documenté : « à LYON, la psychiatrie derrière des barreaux neufs » (cliquer ici )

Reportage de FRANCE – INFO du 18 mai 2010, Le premier hôpital-prison de France ouvre ses portes aujourd’hui

Reportage de TLM

l hôpital psychiatrique du VINATIER, à BRON, accueille la première UHSA de FRANCE

un hôpital pour détenus, ça ressemble à quoi, au juste ?

C’est l’excellente question posée par 20 MINUTES.fr, dont nous reproduisons in extenso le reportage.

SANTÉ – La première Unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) de FRANCE axe ses soins autour du bien-être du détenu. Avec balnéothérapie médicalisée et ateliers de cuisine…

De l’extérieur, l’imposant bâtiment de béton a tout d’une prison. Seul l’inox poli installé au dessus de l’entrée, égaye un peu les murs. Derrière les vitres sont postés des agents de l’administration pénitentiaire.

La première Unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) destinée à accueillir les détenus ayant d’importants troubles psychiatriques a été inaugurée ce vendredi après-midi à BRON, sur le site de l’hôpital psychiatrique du VINATIER. L’occasion pour 20minutes.fr de visiter les lieux, construits un peu à l’écart du reste.

à lire, les détails de l’inauguration par ici.

A l’extérieur les matons, à l’intérieur les médecins

Une fois les parloirs dépassés et quelques portes ultrasécurisées franchies, le lieu ressemble davantage à un hôpital avec ses couloirs couleur beige et son « plateau de soins ». Les chambres sont sobres, équipées d’une télévision placée en hauteur derrière une vitre, d’un petit bureau et d’un coin salle de bains entièrement carrelé. Certaines chambres ont vu sur une cour intérieure o├╣ ont été installés une table de ping-pong, un terrain synthétique, un panier de basket et quelques fleurs.

C’est le concept de l’UHSA. Les détenus sont pris en charge à leur arrivée et sortie par des agents de l’administration pénitentiaire. Mais une fois à l’intérieur, ils sont entièrement encadrés par des médecins, infirmiers et aides-soignants. Les surveillants sont à leur disposition si besoin.

Huit détenus déjà hospitalisés

Depuis la mise en service de cet hôpital-prison mardi, huit détenus de la maison d’arrêt de CORBAS sont arrivés. « Tout s’est bien passé« , relate le personnel. A terme, soixante personnes qui présentent des pathologies de dépression à tendance suicidaire ou des troubles psychiatriques pourront être soignées dans cet établissement.

« Auparavant, seuls les détenus dangereux pouvaient être pris en charge« , explique Pierre LAMOTHE, psychiatre et responsable du pôle « santé mentale des détenus et psychiatrie légale ». « Avec l’UHSA, nous accueillons ceux qui sont aussi en grande souffrance et ceux qui demandent à être soignés. C’est une grande avancée. »

Le personnel en grève mais présent quand même

Pour soigner les patients, l’UHSA propose de nombreuses activités 24h/24 centrées autour du corps, comme la balnéothérapie, des ateliers de cuisine et du sport. « Les détenus malades parlent difficilement. Il faut donc que la personne prenne soin d’elle et retrouve confiance en elle », souligne ├êve BECACHE, médecin psychiatre.

Le personnel soignant, qui mène un mouvement de grève pour ne pas avoir à effectuer des taches sécuritaires comme les fouilles, avait été réquisitionné. Tous avaient donc un discours très formaté. « Nous prenons nos marques, confiait Abdel, infirmier. Nous sommes à l’écoute des patients. »

Pierre LAMOTHE assure que la contestation s’éteindra « d’elle-même« . Et il balaye les arguments des grévistes qui pointent du doigt la confusion entre les soins et la sécurité. « Le risque est beaucoup plus grand dehors quand une infirmière est seule face à un patient dangereux. A l’UHSA, le personnel travaille en équipe. »

en savoir plus

textes relatifs aux modalités de garde, d’escorte et de transport des personnes détenues hospitalisées en raison de troubles mentaux (décret du 18 mai 2010) 

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ROBIN DES LOIS se réjouit de ce que les détenus malades mentaux puissent – enfin – être correctement soignés. Mais l’association tient à souligner la « folie » d’un système technocratique qui – entre 1985 et 2005 – a fait passer le nombre de lits d’hospitalisation en psychiatrie de 129 500 à 89 800, en suite d’une politique de santé publique aberrante… De plus en plus de patients ont donc été suivis chez eux, dans des hôpitaux de jour. Or, sans avoir fait dix ans de médecine, chacun peut comprendre qu’un psychotique ou un schizophrène – livré à lui- même dans la rue – passe plus facilement à l’acte délictuel ou criminel qu’un citoyen « normal ». C’est l’une des raisons pour lesquelles, au fil des années, les prisons se sont remplies de malades mentaux profonds… Avec des surveillants non formés pour les soigner… Et un manque criant de psychiatres et de psychologues. De ce fait – en oubliant totalement les victimes inutiles résultant de cette politique … démentielle – le gouvernement propose , maintenant, de vider les prisons en créant … les hôpitaux psychiatriques spécialisés que l’on a commencé à supprimer en 1985 !

C’est mieux que rien, mais cette « folie » technocratique souligne, une fois de plus, la nécessité absolue d’un contrôle citoyen sur les politiques publiques. Plus jamais ça !

Toutes les associations devront, par ailleurs, se montrer extrêmement vigilantes sur les personnes affectées dans ces U.H.S.A. puisque l’A.P. avait déjà coutume d’employer l’H.O. (Hospitalisation d’Office) pour se « débarrasser » de détenus qualifiés de « malades » parce qu’ils étaient – simplement – un peu quérulents ou jugés « subversifs »…

 

Juin 092010
  

ROBIN DES LOIS attache une importance au droit au travail des personnes détenues, tout en se battant pour que naisse un embryon de droit du travail dans les Établissements o├╣ les détenus sont exploités .

Nous publierons de nombreux documents sur la nécessité d’un travail formateur et qualifiant, ainsi que sur la nécessité de développer des formations utiles à la réinsertion.

ROBIN DES LOIS au 20 HEURES DE TF1 du 10 mai 2010

interview de François KORBER au RÉPUBLICAIN LORRAIN du mardi 18 mai 2010

RAPPORT du CONTR├öLEUR GÉNÉRAL DES PRISONS : Cette année, Jean-Marie DELARUE et son équipe ont particulièrement étudié les conditions de travail et de formation dans de très nombreux établissements.

Nov 292014
  

sr3Lors de l’Assemblée Générale de notre association, le 19 novembre, j’ai été élu à l’unanimité Président de Robin des Lois.

Je veux d’abord remercier les adhérents et Xavier Périssé à qui je succède. Il a souhaité quitter son poste car il préside maintenant l’association Justice Deuxième Chance. Il a cependant accepté d’être vice-président de Robin des Lois et nous continuerons donc à travailler ensemble.

Si ce changement de président se fait sereinement, il intervient à un tournant de la vie de Robin des Lois. Jusqu’à maintenant, notre association a dû sa notoriété à la personnalité hors norme de son délégué général et à son inlassable volonté qui n’a pas permis de déplacer des montagnes mais de faire bouger l’administration pénitentiaire, ce qui, à l’évidence, est plus difficile !

Notre action a reposé sur un petit nombre de militants très dévoués. Pour pérenniser notre existence, mieux agir et répondre aux objectifs de notre charte, nous avons décidé de multiplier les adhésions, d’associer de plus en plus de bonnes volontés pour aider les détenus victimes de l’arbitraire et promouvoir les réformes que nous préconisons.

Bref, nous avons l’ambition de devenir une association nationale qui milite, qui réfléchit et qui apporte des services utiles.

Après avoir été un compagnon de route de notre association en aidant souvent François Korber, je vais consacrer toute mon énergie au développement de Robin des Lois.

La montée de l’idéologie sécuritaire liée à la crise économique, le peu d’attention portée au système pénitentiaire, à gauche comme à droite, les tentations clientélistes et populistes de beaucoup de politiques rendent notre tâche difficile. Je ne servirai pas à grand chose si vous n’apportez pas vos idées et votre énergie.

C’est pourquoi nous allons lancer dans les jours qui viennent une campagne d’adhésions.

A bientôt !

Sylvain Renard

Mai 132010
  

 

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Le 22 avril, ARTE.tv a publié le webdocumentaire PRISON VALLEY, présenté comme un « road movie participatif » à la rencontre de l’industrie de la prison aux ÉTATS-UNIS.

Ce web documentaire mêle vidéos, photos et permet aux internautes de « cheminer » à leur gré sur la « route principale » : le film ou ses « bifurcations » : portfolio, tchat, forum,… (présentation des principes interactifs ici Prison Valley : le web documentaire à l’école de la route).

Concernant les contenus du documentaire on peut légitimement se poser la question : Existe-t-il en France un risque de dérive à l’américaine ? C’est évident. En 1986, le triste Albin CHALANDON eut l’idée d’aller voir comment fonctionnaient les prisons aux ÉTATS-UNIS. C’est ainsi qu’il importa l’idée des prisons à gestion mixte, inexactement appelées « prisons privées » (nous publierons prochainement un dossier très complet sur le résultat de cette « expérience », 25 ans après).

François KORBER, délégué général de ROBIN DES LOIS, a été interviewé sur la dérive en matière de business carcéral pour les cantines et la construction de ces monstres d’acier et de béton (à voir sur le site Webdocs d’ARTE TV). Ou ci-dessous.

Vous pouvez regarder le documentaire intégralement sur http://prisonvalley.arte.tv/fr en attendant sa diffusion sur la chaîne ARTE le 12 juin, consulter le tchat avec Jean-Marie BOCKEL (prochain rendez-vous le 20 mai à 19h avec Florence AUBENAS de l’O.I.P.) ou vous joindre aux forums.

Le sujet

Fremont County, Colorado : deux villes – Ca├▒on City & Florence, 36.000 âmes, 13 prisons, 7731 détenus. Ce n’est plus un comté. Mais un complexe prisonnier, comme l’on dit complexe hôtelier. C’est Prison Valley, région paumée du Colorado. Ici, on a planté une prison dans les années 80. Puis un hôtel. Puis une autre prison. Puis un resto. Puis une troisième prison. Et encore un motel. Un cabinet d’avocats s’est installé. Puis cinq autres prisons.

C’est presque une ville modèle avec son chômage en baisse, ses 21 % de population incarcérée, ses pénitenciers dernier cri, son Supermax à demi enterré dans le désert,  » the Alcatraz of the Rockies « , comme on dit là-bas, la prison des prisons, celle des Timothy McVeigh, Unabomber, Zaccaria Moussaoui et tant d’autres, avec couloirs donnant sur la mort.

Au final, Prison Valley, c’est ça : une ville prison o├╣ même ceux qui vivent dehors vivent dedans, d’une façon ou d’une autre. Avec ce webdocumentaire, le spectateur plonge au cœur de l’industrialisation des prisons.

Juil 052010
  

Nous reproduisons in extenso un remarquable et bouleversant article de Laure HEINICH-LUIJER qui vient d’être publié par RUE 89 (ancienne première secrétaire de la conférence, elle est avocate au barreau de Paris et cofondatrice du cabinet BHMZ Avocats). Jean-Luc DEPRE s’est suicidé au C.P. de LIANCOURT le 8 mars 2010.

Un détenu se suicide trois jours après un refus d’hospitalisation

par Laure HEINICH – LUIJER, avocate, le 4 juillet 2010

L’effet de vases communicants est flagrant : les hôpitaux psychiatriques se vident de leurs lits et les prisons se remplissent de personnes atteintes de troubles mentaux. Les psychiatres défroquent-ils leur blouse blanche ?

Ils semblent en tous cas s’accorder avec les politiques sur le fait que les pathologies mentales ne doivent pas permettre l’immunité judiciaire. A peine 1% des expertises psychiatriques concluent à l’abolition du discernement des mis en cause et donc à leur irresponsabilité pénale.

Les experts deviennent ainsi la caution « scientifique » des décisions d’emprisonnement comme les avocats sont l’alibi de la procédure pénale.

La société, informée par quelques faits divers sur-médiatisés et utilisés à des fins sécuritaires, porte le fantasme du tout carcéral contre le rien psychiatrique que représenterait l’hospitalisation d’office. Cela arrange nécessairement quelques praticiens qui ont, et on les comprend, peur des agressions et des évasions à l’hôpital.

Le Centre pénitentiaire de LIANCOURT serait-il le reflet de ce tout carcéral, de ses dérives et de ses drames ? La prison est en tout cas à l’image de la statuette des trois singes que l’on voit dans le bureau de la DRH de l’hôpital de CLERMONT-DE-L’OISE, dont dépend le Centre pénitentiaire, avec les mains sur les yeux, la bouche et les oreilles. Pour les psychologues qui y travaillent, cette statuette symboliserait-elle le seul moyen de conserver leur emploi ?

Lire la suite »

Juil 022010
  

La prions avilit, la prison tue. Votre fils, votre père, votre mari a été condamné à une peine de 6 mois, 5 ans ou 10 ans. Il n’a pas été condamné à mort. Mais le système actuel est au bord de l’asphyxie même s’il n’y a pas une cause unique à l’ épidémie de suicides depuis 2 ou 3 ans. ROBIN DES LOIS publiera bientôt divers documents permettant de comprendre les tares du système. Il n’est pas acceptable de savoir que – la semaine prochaine – 2 détenu(e)s vont se suicider. Et deux encore la semaine d’après, etc… Alors que c’est parfaitement évitable dans 80 % des cas. Avec une autre politique et une révision radicale du système carcéral actuel.

Etat des lieux

Hausse du nombre de suicides en prison en 2009, article du Monde, 18 janvier 2010

Observatoire des suicides dans les prisons françaises, Ban Public

Suicide en prison : la France comparée à ses voisins européens, étude de l’INED, déc. 2009

Déclarations de MAM sur les pyjamas en papier pour éviter le suicide

Plan de prévention des suicides du ministère

Article de Paris Match du 19 août 2009

Les annonces de MAM, un plan communication, NouvelObs Temps réel, 21 janvier 2010

Dossier Prisons, silence! , Arrêt sur images, 2009

Rapport du Docteur Louis ALBRAND

Rapport du Docteur Louis ALBRAND, prévention du suicide en milieu carcéral, avril 2009, 310 pages

En savoir plus sur Louis ALBRAND

Juin 082010
  

CP de VILLENAUXE-LA-GRANDE

ROBIN des LOIS luttera sans relâche contre la dérive à l’américaine et la privatisation de la prison… Nous ne voulons pas des 5 000 places… qui vont, d’ailleurs, sans doute être abandonnées. Nous voulons le développement des peines alternatives et celui des prisons ouvertes ou semi-ouvertes.

Pour en savoir plus, voici un « état des lieux » des récents programmes de construction.

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Repères

1988 : Le programme 13 000 initialement fixé à 15 000 places pour pallier aux insuffisances est revu à la baisse en raison de son coût budgétaire. Mis en œuvre avec le concours de gestionnaires privés, il permet la construction de 25 établissements entre 1990 et 1992 mais est insuffisant pour ajuster le parc pénitentiaire aux besoins.

1996 : Le programme 4 000 vise à construire d’ici 2000 sept maisons d’arrêt, centres de détention et centres pénitentiaires (3 800 places additionnelles) et une maison centrale (200 places). La construction de quatre nouvelles maisons d’arrêt y est ajouté. Au final près de 10 ans auront été nécessaires pour réaliser le programme : difficultés à finaliser les dossiers de consultation des entreprises, épineux choix des terrains…

9 septembre 2002 : la loi d’orientation et de programmation pour la justice (LOPJ) prévoit le lancement du « programme 13 200  » pour créer 13 200 nouvelles places de détention dans vingt-cinq établissements (15 pénitentiaires, 7 pour mineurs et 3 de courtes peines), d’ici 2012.

2009 : Nicolas SARKOZY annonce la création de 5 000 nouvelles places avant 2017. MAM répète qu’elle fera construire 12 000 places pour en fermer autant de vétustes.

2010 : Neuf établissements ont été livrés. Le budget global se monte à 1,4 milliard d’euros de fonds publics. Un nouvel établissement devrait ouvrir tous les trois mois jusqu’en 2011. Au total, 13 200 nouvelles places. A la fin de ce programme, 62 500 places de prison contre 54 300 places actuellement, dans lesquelles s’entassent 61 800 détenus.

Le partenariat public-privé (PPP)

MA du Mans, JF Monier, AFP

Le 15 octobre 2008 était inauguré à SAINT-DENIS de LA RÉUNION le premier établissement du programme 13 200.

Le 7 décembre 2008, les premiers détenus arrivent à la prison de MONT-DE-MARSAN, 2nd établissement livré et sont évacués en urgence le 28 décembre 2008 suite à une panne électrique généralisée.

A cette occasion, les surveillants dénoncent les « importantes malfaçons » du site : infiltrations d’eau, pannes quotidiennes des serrures électriques, câbles non enterrésÔǪ

Le 19 janvier 2009 c’est au tour du centre pénitentiaire de ROANNE d’ouvrir. Les dysfonctionnements y sont très nombreux : les serrures électriques extérieures ne fonctionnent pas, les murs se fendillent avec les infiltrations d’eau, le temps de séchage du béton n’ayant pas été respecté…

en savoir plus 

:

  Murs fendillés, serrures gelées : les dessous d’une prison modèle, Libération 19 janvier 2009


La cause ? Comme pour les programmes de 13 000 et 4 000, le choix a été fait de contrat de « partenariats public-privé » (PPP), une délégation des opérations de construction à des prestataires privés, ce qui permet à l’ Etat de lancer des opérations immobilières importantes sans qu’elles apparaissent dans l’endettement public à la différence des opérations de marchés publics classiques.

Ces PPP permettent au B.T.P. de construire mais aussi de gérer les établissements construits (restauration, hôtellerie, cantine, formation professionnelle, etc.) et offrent une latitude immense à l’entreprise chargée de l’édification pour réduire au maximum les coûts de construction et augmenter ses marges. Autre effet pervers : ce sont les seuls chantiers qui, quoiqu’il arrive, finissent sans aucun dépassement de délai ni de budget.

A ROANNE, le groupe EIFFAGE (industriel du bâtiment) associé à une banque a pour 55 millions d’euros édifié le centre pénitentiaire. Après trois ans de travaux, ce constructeur restera propriétaire de la prison pour vingt-sept ans et facturera sur cette période un loyer au ministère de la Justice. Coût total de la location pour l’Etat : 103 millions d’euros. Auxquels s’ajouteront les frais de maintenance.

Pour avoir une idée des activités d’une Société Privée dans un Établissement en P.P.P. on consultera avec intérêt le document publié par la SIGES, filiale de la multinationale SODEXO.

en savoir plus :

  Le BTP se refait une santé en détention, Libération 19 janvier 2009

Prison et architecture

En plus de créer des places supplémentaires, parmi les objectifs du programme 13 200 figurent le souhait d’améliorer les conditions carcérales des détenus, l’État français ayant été régulièrement condamné pour l’indignité de ses conditions de détention, avec la volonté :

– d’ouvrir la prison sur le monde extérieur par des partenariats avec d’autres institutions (éducation, santé) et des intervenants extérieurs (dont de nombreux bénévoles) ;

– d’améliorer la vie sociale du détenu : autonomie en cellule individuelle (toutes les commodités y compris la douche), facilité d’accès à tous les services sociaux du programme : conseiller d’insertion, conseiller en droit, spécialistes de la santé, de la formation professionnelle, etc.;

– de s’appuyer sur une architecture dite « moderne » : la prison individuelle reliée à ses dépendances sociales par des couloirs propres, spacieux et clairs.

Pour répondre à ses ambitions, l’architecture est un élément essentiel. 

Pour l’architecte Christian DEMONCHY « Un projet d’architecture délimite toujours un nouvel espace o├╣ se développera un mode de vie particulier par rapport au monde extérieur… Il y a donc dans tout projet architectural une part d’utopie. Quand la future construction -notamment carcérale- doit renfermer une population importante, c’est à un véritable projet de société que nous sommes confrontés. »

CD de MAUZAC, photo de J.J. SAUBI

On peut donc légitimement se questionner sur le projet « philosophique » qui sous-tend la construction de grands ensembles carcéraux modernes… en peinant à trouver des réponses…

Il semblerait qu’à l’exception de MAUZAC, centre de détention de 252 places réalisé entre 1984 et 1986, les programmes récents aient marqué un point d’arrêt à ces alternatives, renouant avec le système pénitentiaire traditionnel. Avec pour effet de détourner le débat sur la vie carcérale au profit de celui sur la délégation de gestion au secteur privé. (source Étude, Généalogie de la prison moderne, Christian DEMONCHY, architecte).

Prisons propres mais déshumanisées

Dans les prisons modernes du programme, les cellules sont ainsi plus hygiéniques, avec une porte insonorisée et une douche.

Mais derrière ces avancées se cachent l’omniprésence de la vidéosurveillance réduisant les rapports humains entre détenus et surveillants, l’automatisation des postes de contrôle et de l’ouverture des portes, les vitres sans tain et interphones… qui font que les surveillants ne se déplacent plus

Les grilles fixées derrière les barreaux, pour empêcher le « yo-yo » (s’envoyer des objets attachés à une ficelle d’une cellule à l’autre) bouchent complètement la vue.

Autre problème, la taille des établissements augmente considérablement les temps de déplacement avec pour conséquence la réduction des mouvements des détenus qui doivent choisir entre parloirs, activités ou promenade.

Ce gigantisme crée également le fractionnement des taches et des responsabilités.

Concernant l’accès aux services désormais fournis par les prestataires privés (par exemple la commande de la « cantine », produits alimentaires) de nombreux dysfonctionnements sont notés (erreur ou perte de commande, compte débité sans livraison, etc.) et les  interlocuteurs sont encore moins accessibles (pour la gestion de l’électricité par exemple, si les plombs sautent, le surveillant ne peut les remettre mais doit appeler la société gestionnaire allongeant la résolution des problèmes).

CP de BÉZIERS, livré par le groupe EIFFAGE en juillet 2009

De nombreux détenus en viennent ainsi à regretter les anciennes prisons, insalubres mais « humaines » aux prisons ultra modernes et déshumanisées.

  en savoir plus :

Dans la froideur des prisons modernes, Le Monde, 22 avril 2010

On est arrivés dans une prison propre, sans rats, sans cafards, sans humanité, Libération, 24 février 2010
   
nouvelles prisons, ultramoderne solitude, article de Sonya FAURE Libération, 16 février 2010


prison de MONT-DE-MARSAN, son univers paranoïaque, article de Sonya FAURE Libération, 16 février 2010

article de l’Est Eclair du 28 mai 2010 sur le C.P. de VILLENAUXE-LA-GRANDE

un détenu retrouvé mort à la prison de BOURG-EN-BRESSE, article de Frédéric BOUDOURESQUE, Le Progrès de l’Ain, 14 mai 2010

  les prisons vont-elles rester la honte de la FRANCE ?, dossier de LYON-CAPITALE, mai 2009

une femme de détenu raconte la prison de Vezin – Rennes, Ouest France, 10 avril 2010

Cellules individuelles

Concernant l’encellulement en centre de détention (pour des détenus condamnés à de longues peines, contrairement aux maisons d’arrêt pour les personnes prévenues et les courtes peines), les cellules individuelles de 10,5 mètres carrés ne devraient jamais accueillir plus d’un détenu. Enfin, en théorie.

Dans un fichier informatique de 2007, échangé entre tous les protagonistes du projet de construction du centre de ROANNE, le groupe prestataire interroge l’agence du ministère de la Justice au sujet d’un modèle de « lit simple avec possibilité de superposition » (pour installer un autre lit simple au-dessus du premier). Pragmatique, l’industriel demande : « Merci de nous confirmer si ce type de lit est retenu pour toutes les cellules simples. Ce modèle de lit serait réalisé conformément au prototype présenté à ROANNE. »  (source Le BTP se refait une santé en détention, Libération 19 janvier 2009) 

Plus récemment lors des 5ème assises sur les prisons en FRANCE à la Maison de la Chimie, en février 2010, Michèle ALLIOT-MARIE, Ministre d’État, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Libertés, présente le prochain programme de construction de 5000 place et affirme : « L’encellulement individuel sera garanti, dans des cellules de 8,5 m2, donc impossibles à doubler »…

8,5 m2, c’est très peu pour une personne… Par ailleurs, on sait très bien que cela n’empêchera jamais l’administration pénitentiaire de mettre 2 lits superposés, même dans moins de 8,5 m2

Intégralité du discours de clôture des 5e assises sur les prisons en France
par Mme ALLIOT-MARIE

Tous les membres de l’auditoire se sont regardés, effarés…. Elle ne plaisantait pas.

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Le Ministère de la Justice cherche, en réalité par tous les moyens , à poursuivre une politique aberrante d’enfermement à tout-va.. D’autres solutions existent pourtant : les peines alternatives (ce qui suppose un recrutement important de travailleurs sociaux pour en assurer le suivi), le numerus clausus et les prisons ouvertes. C’est cette politique-là que ROBIN DES LOIS compte faire avancer dans les années qui viennent.