PRISONS. À partir du 1er janvier, le prix de la location des télés va baisser pour les détenus. Le Girondin François Korber, qui a passé 25 ans derrière les barreaux, n'y est pas étranger
Après Robert Badinter, François Korber. La filiation ne va pas de soi. Mais, entre le garde des Sceaux de François Mitterrand, artisan de la suppression de la peine de mort, et l'ancien détenu girondin qui a passé près de 25 ans derrière les barreaux, il existe sans doute un point commun. Il a la forme d'un petit écran. En 1985, le ministre obtenait de haute lutte l'arrivée de postes de télévision en prison. À partir du 1er janvier, c'est grâce au forcing juridique du second que le coût de location des appareils sera divisé par deux dans les centrales et les centres de détention : 18 euros au lieu de 36. Plus important encore, les prisonniers qui en auront les moyens auront enfin la possibilité d'acheter leur propre poste.
Une véritable rente
« Robert Badinter souhaitait que les télés soient installées gratuitement, se souvient François Korber. Mais Michel Charasse, le ministre du Budget de l'époque, ne voulait pas donner du fric pour les taulards. » Le financement du parc avait donc été supporté par les associations socioculturelles créées dans chaque établissement. Une véritable rente pour nombre d'entre elles, dont la trésorerie ne faisait que croître et embellir. Près de 800 000 euros en 2003 pour celle de Fleury-Mérogis (Essonne) selon la Cour des comptes.
D'une prison à l'autre, les tarifs variaient parfois du simple au double. À Metz, par exemple, le jackpot de la télé avait conduit l'association du centre pénitentiaire à embaucher des salariés dont elle n'avait nul besoin. « Payer près de 400 euros par an, c'était du racket », s'indigne François Korber. L'homme, aujourd'hui âgé de 57 ans, parle en connaissance de cause. En 2004, lorsqu'il avait été transféré à Fresnes (Val-de-Marne), l'administration lui avait « sucré » le poste acheté lorsqu'il était écroué à Riom (Puy-de-Dôme).
La pénitentiaire n'en a pas fini avec lui. Il s'apprête, en effet, à saisir en référé le tribunal administratif de Paris pour faire reconnaître la discrimination dont sont victimes les 40 000 personnes incarcérées dans les maisons d'arrêt. « À l'inverse des prisonniers qui purgent leurs peines en centrale ou en centre de détention, elles continuent de subir des tarifs de location à fonds perdus sans la moindre raison », assure François Korber. Le combat juridique n'est pas encore gagné, mais il se présente bien (1).
« Robin des lois »
François Korber a recouvré la liberté il y a quelques mois. Mais sa situation reste précaire. « Je vis avec les minima sociaux, je loue une chambre pourrie chez les marchands de sommeil à Corbeil. » Cela ne l'empêche pas de se démener pour lancer une toute nouvelle association : Robin des lois. À l'extérieur, il ne fait que continuer - mais avec beaucoup plus d'écho - le bras de fer engagé derrière les murs. L'ancien jeune loup du RPR bordelais - dont la carrière s'arrêta net le jour où l'on retrouva le cadavre d'un colleur d'affiches dans sa permanence élect orale - est l'un de ceux qui ont contribué à fait pénétrer le droit en prison.
L'un des arrêts rendus par la Cour de cassation porte son nom. En 1994, la plus haute juridiction française a admis qu'un détenu pouvait s'opposer à la révocation de sa libération conditionnelle. Une décision historique qui a ouvert une brèche. Progressivement, les prisonniers ont pu exercer des recours contre toutes les décisions prises à l'intérieur d'une prison. De la présence de l'avocat lors des audiences disciplinaires à la possibilité pour un prisonnier de faire appel à son propre médecin, sans parler de la venue d'un huissier pour constater le froid régnant dans un mitard, les contentieux gagnés par François Korber sont célèbres.
Une réinsertion peu banale
Licencié en droit, ce fils de bonne famille n'a eu aucun mal à devenir derrière les barreaux l'interlocuteur régulier de plusieurs juristes universitaires. Pour mieux contrer l'administration pénitentiaire qui l'a baladé de prison en prison et apporter un peu plus d'humanité à l'ombre des miradors. Une réinsertion peu banale, mais qui en vaut sans doute bien d'autres.
(1) Les détenus qui veulent s'associer à la requête de François Korber peuvent lui écrire : Association Robin des lois. Poste restante. 8, rue Champlouis 91108 Corbeil Cedex.
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